mardi 3 octobre 2017

Aux amis de François

(Cet article publié pour la Saint François d'Assise le 4 octobre est une transcription adaptée d'une  conférence donnée le 1er octobre 2017 à la paroisse Saint-François d’Assise (paris 19ème) dans le cadre du jubilé de 800 ans de l’arrivée des franciscains en France.)

Parcours de conversion
Même si je suis chrétienne dans le cœur, à un moment de ma vie, je ne me suis plus reconnue en tant que chrétienne, justement à cause de la séparation d’avec la nature et le vivant.
A ce titre, je me sens « marginale » et c'est une grande souffrance pour moi de voir comment on traite le monde, la nature, les animaux… et de voir l’indifférence des chrétiens sur ces questions. Pour moi, c’est un total contresens. Le salut, le ciel que nous cherchons, ne peut advenir que sur et par et avec la terre. J’ai le sentiment qu’en détruisant la création, Son œuvre, nous crucifions le Christ chaque jour.
Pourtant aujourd'hui, je comprends que c’est justement dans cette marge, dans cette « frange », dans ce désir de protéger et soigner ce monde, que je suis aussi profondément chrétienne. C'est, en fait l’écologie qui m’a ramenée à la foi.
Aujourd’hui, je comprends qu’il n’y a pas de spiritualité chrétienne sans écologie, une écologie au sens large. Il ne faut pas se tromper sur le sens de l’écologie. Je parle d’une écologie intégrale, pas intégriste; une écologie systémique qui inclut toute la création, l’humain y compris (écologie et pauvreté sont d’ailleurs intimement liés). La spiritualité chrétienne est par essence, une spiritualité de l’incarnation, souffle et matière - « Dieu s’est fait chair ». La chair de Dieu s’est le Christ, mais aussi toute la création sans une exception, qu’Il récapitule. L’écologie intégrale n’est pas un environnementalisme, ce n’est pas une somme de gestes à faire pour la planète, même si cela est nécessaire, c’est une vision et une relation au monde renouvelée qui nous engage dans la totalité de notre être, dedans/dehors, individuellement et collectivement, et qui précède et induit les comportements écologiques.
L’écologie n’est pas une option, c’est une nécessité intrinsèque à notre foi. Ce n’est pas la crise, la situation actuelle, qui nous engage à être « écolo » ; ajuster notre vision et nos comportements est un impératif éthique et spirituel intemporel. La situation actuelle rend cet impératif non optionnel.

Rôle des franciscains dans cette conversion
Cette écologie spirituelle, ou écospiritualité, concerne tout le monde sur cette terre, car nous partageons tous la « maison commune », mais elle nous concerne nous particulièrement, chrétiens, et nous particulièrement, amis et héritiers de François. Pourquoi ? 

Parce que Saint François a vécu, peut-être plus que n’importe quel autre, la proximité épidermique avec le cosmos, avec le Christ. C’est le précurseur qui a touché la lune et les étoiles. Il a ouvert la voie, balisé le chemin par sa façon de vivre, de se relier, de prêcher, d’aimer… Il n’y a pas un saint François unilatéral, prisonnier des savants, des historiens, des théologiens… -personne ne connait François dans toute sa complexité (et certainement pas moi), mais un François, libre et vivant qui touche et inspire chacun à sa façon.
Lire la suite en cliquant ci-dessous!


         
-    Parce que les franciscains, la grande famille des amis de François, sont ses « héritiers officiels ». En ce sens, vous, franciscains avez une responsabilité (response ability – capacité de réponse) supplémentaire, une nécessité d’exemplarité. En tout cas, vous êtes attendus! Qui d’autres, si ce n’est vous, pour transmettre la vision de François, sa façon amoureuse de voir et de vivre le monde dans son intégralité et d’être présent à chaque particule de vie que Dieu mettait sur sa route. Cf. Le moine, gardien de la petite église sur la route à côté de Gubbio, tout droit sorti d'un film comme le Nom de la Rose, me parle de l’importance de prendre soin de ce que Dieu met sur notre route, qu’il s’agisse d’un pauvre, d’un lépreux, d’un chien ou d’un vers de terre. C’est dans le HIC et NUNC que réside la réponse, non dans "la thématique".
-          Ce « Hic et Nunc », cet « ici et maintenant », cette réponse que nous avons à apporter, quelle est-elle aujourd’hui ? Il est évident que nous sommes dans un « Kairos », une opportunité formidable, avec ce pape jésuite qui prend le nom de François, avec Laudato Si’ admirable, avec la COP 21 qui nous a tous mobilisés. Nous sommes dans une fenêtre temporelle qui est maintenant et qui ne se reproduira plus. Cf. C’est comme pour un vol en parapente ; il faut attendre parfois des heures la bonne brise, mais quand elle est là, il ne faut pas la rater, il faut courir de toutes ses forces pour pouvoir s’envoler. Deux secondes après, c’est trop tard. L’opportunité a disparu. Selon les scientifiques, et selon les paroles du fondateur d’Alternatiba qui est intervenu il y a peu pour le lancement du label Eglise Verte, il ne nous reste que 3 années avant l’irrémédiable! C’est-à-dire que c’est maintenant ou jamais qu’il faut sauter. Même si on ne peut changer tout, tout de suite, il faut en prendre la décision aujourd’hui. Cf. C'est comme la sortie du nucléaire; même s'il est évident que l'on ne peut fermer d’un coup toutes les centrales, si on ne le décide pas maintenant, dans 30 ans nous y sommes encore.
     
    Ce Jubilé ne fête pas un vieillard poussiéreux de 8 siècles, il fête un esprit vivant à l’œuvre. Les franciscains n’arrivent pas en France en 1217, ils arrivent en France à l’instant T et portent une réponse radicale à la situation actuelle. Dieu nous dit : « Choisis la vie ! ». « Choisis la vie et tu vivras, toi et ta descendance…. ». C’est la réponse que nous devons saisir, aujourd’hui plus que jamais. Passer au crible de « Choisis la vie ! » toutes nos pensées, paroles et actes de consommation. Qu’est-ce que cela veut dire spirituellement ? Pour moi, il s’agit de s’ouvrir, par tous les pores de notre peau, à la dimension cosmique du Christ, comme nous y invite saint François, à nous laisser traverser par la Vie dans toutes les sphères de notre être, à toutes les échelles (individuelles, communautaires, collectives, humaines, terrestres.
-      
     Notre vocation, "votre mission si vous l’acceptez", est de devenir les chantres, les apôtres de l’écologie intégrale, les gardiens de la Vie, de l’œuvre de Dieu !

Comment comprendre cet appel à la conversion, vous qui êtes déjà si convertis, si engagés dans la foi? Qu’est-ce que l’écologie peut vous apporter sur ce chemin vers Dieu ? Comment ce rapprochement de la création –et plus le soin porté à la création, peut favoriser la proximité de Dieu ? Et comment le mettre en œuvre concrètement? Voici quelques pistes dans les pas de François. !

Dans les pas de François

Je vous, je nous invite, à changer de regard pour changer notre relation au monde, à changer de lunettes, en nous inspirant de la vie de François et de certains épisodes symboliques. (ces analogies ont leurs limites, mais peuvent tout de même nous parler) 

   Comme François, nous débarrasser de nos  vieux habits
Qu’est-ce que se défaire de ses vieux habits peut vouloir dire pour nous dans ce contexte ? Peut-être cela nous dit :
-          Oser lâcher nos vieilles habitudes, notre confort de pensée, notre conformisme, nos limitations  culturelles, les faux plis pris au cours du temps, notre addiction à la pensée de consommation et oser renoncer à notre identité préfabriquée pour aller vers notre nature véritable, notre nature inconditionnée, celle qui nous rend proche de Dieu.

-          Apprendre à retrouver notre désir profond et nos talents, les talents que Dieu a voulu pour nous.
-   
      Oser faire un pas de côté – nous déplacer, changer notre angle de vision, notre perspective, concrètement changer de lunettes et apprendre à voir le monde avec les yeux de François.

-          Avoir foi que cela vaut pour chacun. On n’est jamais trop vieux, ou trop jeune, ou trop intellectuel, ou trop borné, ou trop petit, ou trop inexpérimenté… pour ne pas être touché par la grâce, ou blessé par la fulgurante beauté du monde… Un brin d’herbe, une carotte dans la cuisine, une fourmi, un sourire… peuvent devenir le lieu de la révélation et le vecteur de la conversion. « Des vues panoramiques les plus larges à la forme de vie la plus infime, la nature est une source constante d’émerveillement et de crainte. Elle est, en outre, une révélation continue du divin » - Laudato si- 85

-          Oser regarder en face nos résistances (symbolisées par le père de François, la société bourgeoise bien-pensante…) et nos peurs. « Celui que tant de splendeurs créées n’illuminent pas et un aveugle. Celui que tant de cris n’éveillent pas est un sourd. Celui que toutes ces œuvres ne poussent pas à louer Dieu est un muet. Celui que tant de signes en forcent pas  à reconnaitre le premier principe est un sot ». Saint Bonnaventure (cité par Jean Bastaire dans « Pour une écologie chrétienne »)
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  Et surtout, cultiver le désir sincère de conversion et la prière.

       Renoncer, partager et vivre-ensemble.
         « Abandonne tout ce que tu possèdes et suis moi ! ». Il s’agit à la fois d’abandonner tous nos attachements, nos certitudes, nos jugements… sans peur pour Le suivre, mais aussi, concrètement, d’apprendre à se passer du superflu pour vivre de l’essentiel…. Apprendre la sobriété heureuse et la simplicité. « Vivre simplement pour que d’autres puissent vivre ! » comme le disait Gandhi. Suivre l’exemple des sœurs de Reinecker qui font un formidable travail de réflexion autour de la Vie simple, et passer à l’action.
       « Aime ton prochain comme toi-même ». Qui est mon prochain ? Etendre le cercle de notre compassion à toutes les créatures… sans exception (cf. Mathieu Ricard) et élargir notre champ de vision dans la compréhension de l’interdépendance entre toute chose. Ce que je fais ici à des répercussions là-bas, avec les humains et avec toute la création. « L’interdépendance des créatures est vou­lue par Dieu. Le soleil et la lune, le cèdre et la petite fleur, l’aigle et le moineau : le spectacle de leurs innombrables diversités et inégalités signifie qu’aucune des créatures ne se suffit à elle-même. Elles n’existent qu’en dépendance les unes des autres, pour se compléter mutuellement, au ser­vice les unes des autres ». Les Frères Karamazov de Dostoïevski.  

                    Sortir d’une vision dualiste du monde et vivre dans une conscience d’unité.
D’une part, il n’y a pas les bons et les mauvais, les avancés et les retardés, les écolos et les spirituels, l’homme et la nature, Dieu et sa Création… Tout est Un et nous sommes Un en Christ…. « Nous avons besoin d’une conversion qui nous unisse tous, parce que le défi environnemental que nous vivons, et ses racines humaines, nous concernent et nous touchent tous… » . Laudato Si. §-13. D’autre part, le  choix de « Choisir la vie », nous le faisons pour nous-mêmes, mais aussi pour tous : nos ancêtres dont nous avons reçu l’héritage, les générations futures à qui nous le léguons, les autres peuples avec qui nous partageons la terre, ainsi que tous les autres vivants. « Créés par le même Père, nous et tous les êtres de l’univers, sommes unis par des liens invisibles, et formons une sorte de famille universelle, une communion sublime qui nous pousse à un respect sacré, tendre et humble…Tout est lié, et, comme êtres humains, nous sommes tous unis comme des frères et des sœurs dans un merveil­leux pèlerinage, entrelacés par l’amour que Dieu porte à chacune de ses créatures et qui nous unit aussi, avec une tendre affection, à frère soleil, à sœur lune, à sœur rivière et à mère terre ». Laudato Si. §-89-


        Relever Son Eglise ! « Va, et répare ma maison qui tombe en ruine ! »
On peut l’entendre, comme François, dans plusieurs sens :
          
    L’Eglise au sens d’Ecclesia, mais aussi d’oekuméne (ensemble du vivant sur la terre), d’une « communauté »  comprise de façon de plus en plus large :  Les frères avec les sœurs franciscaines (mixité), les chrétiens entre eux (œcuménisme) (cf. Initiative Eglise Verte), les chrétiens avec les autres confessions (interspirituel), l’église avec le reste de la société…, les différentes générations entre elles (intergénérationnel), les différentes disciplines, les unes au service des autres…. Proposition de développer l’idée des Eco-fraternités née durant les Universités d’Eté franciscaines à Brives en 2016 (voir les différentes propositions de gestes concrets qui peuvent être faits ici) et plus loin, développer de petites communautés locales rassemblant des personnes issues de différentes traditions spirituelles (et pas seulement des franciscains) autour de la question de l’écologie et de la solidarité, à travers la méditation, la prière, le partage. Un espace dédié est en cours de création sur le site internet d’AnimaTerra (à venir : www.animaterra.fr )

       L’Eglise au sens de notre « maison commune », la Terre, notre planète qui nous nourrit, nous porte et nous vêtit …. il n’y a rien qui ne vienne d’elle.

   L’Eglise, institution. Pousser les murs, ouvrir les portes des monastères, des églises, accueillir les jeunes, les écolos, les femmes…. Imaginer ouvrir les portes des monastères à des projets de jeunes permaculture etc…

         L’église, bâtiment. Imaginer une église organique (cela existe) qui habite la nature et est habitée par elle…. Cf. Mon rêve d’une église avec un arbre qui pousse dedans et les grenouilles de bénitiers.

         Prendre des risques et s’engager
       Oser sortir de nos zones de confort (principalement psychologiques) et regarder en face nos résistances aux changements à travers chaque acte du quotidien. Passer chaque ingrédient de notre consommation au filtre de « Choisis la vie ! » et « est-ce que cet acte sera profitable au plus petit ou au plus pauvre sur cette planète » ? de Gandhi. Et pourquoi, ne pas envisager de faire un travail psychologique pour guérir nos blessures et identifier nos zones de résistance, plus nombreuses qu’on ne le croit : « Les attitudes qui obstruent les chemins de solutions, même parmi les croyants, vont de la négation du problème jusqu’à l’indiffé­rence, la résignation facile, ou la confiance aveugle dans les solutions techniques. Il nous faut une nou­velle solidarité universelle ». Laudato Si - § 14
        Oser la relation avec les autres traditions spirituelles, y compris les plus « exotiques ». Si nous sommes ancrés dans notre foi et en Christ, quel souci y a-t-il à dialoguer ? Il est inutile de perdre son temps et son énergie à lutter contre un éventuel risque de syncrétisme. Nous n’en sommes plus là. Il y a urgence à dialoguer, et dialoguer n’est pas fusionner.
       Oser la relation avec les écologistes, y compris l’écologie des profondeurs. De la même façon, arrêtons de perdre notre temps à lutter contre la peur d’un  hypothétique retour au panthéisme. L’idole n’est pas là où on le croit. On se trompe de cible. L’idole est dans le capitalisme financier et spéculatif, notre avidité, la recherche effrénée de profit et la surconsommation de ce monde. A choisir, il est moins dangereux pour la vie dans son ensemble de vouer un culte à la nature que de vouer un culte à l’argent. Je vous invite à sortir de cette vision réductrice et à cheminer de la lutte contre le panthéisme, c’est-à-dire une vision dans laquelle nature=Dieu, au pananthéisme, c’est-à-dire une vision selon laquelle Dieu est présent en toute chose dans la nature, vision qui autorise la réconciliation.
  Oser changer nos modes de vie concrètement, du moins prendre la décision immédiatement, puis avancer pas à pas. Choisir un domaine de prédilection, celui qui vous fait le plus réagir (alimentation, déchets, énergie, habitat, transport… il y a le choix), creuser et continuer.Oser s’engager, militer, monter au front, dénoncer les injustices… de façon individuelle, mais aussi collective (comme à l’Arche de Lanza del Vasto). Oser une parole forte commune contre le nucléaire, contre les OGM, conte les pesticides, contre la Corrida…. Avec la prière, cela peut avoir une puissance considérable. On ne peut pas se taire face au crime et à l’injustice. Le pape nous encourage !
« Je souhaite saluer, encourager et remercier tous ceux qui, dans les secteurs les plus variés de l’activité humaine, travaillent pour assurer la sauvegarde de la maison que nous partageons. Ceux qui luttent avec vigueur pour affronter les conséquences dramatiques de la dégradation de l’environnement sur la vie des plus pauvres dans le monde, méritent une gratitude spéciale ». Laudato Si. §-13
        Oser transformer les liturgies et les adapter aux rythmes cosmiques, aux rythmes de la vie, des éléments, oser les chants, la danse, la prière avec le corps…

        Entrer dans la suite de François dans la profondeur intérieure, par la prière, le jeune, la contemplation, la louange….
   
     Contempler Dieu dans son œuvre car « Tout l’univers matériel est un langage de l’amour de Dieu, de sa tendresse démesurée envers nous. Le sol, l’eau, les mon­tagnes, tout est caresse de Dieu. Laudato Si - §84 – mais aussi parce que « cette contemplation de la création nous permet de découvrir à travers chaque chose un enseignement que Dieu veut nous transmettre, parce que « pour le croyant contempler la création c’est aussi écou­ter un message, entendre une voix paradoxale et silencieuse » Laudato Si - §14.


      Entrer en communion. Ne pas rester dans un regard extérieur, mais faire UN avec… devenir fleur, devenir montagne, devenir rivière…. « Créés par le même Père, nous et tous les êtres de l’univers, sommes unis par des liens invisibles, et formons une sorte de famille universelle, une communion sublime qui nous pousse à un respect sacré, tendre et humble…Tout est lié, et, comme êtres humains, nous sommes tous unis comme des frères et des sœurs dans un merveil­leux pèlerinage, entrelacés par l’amour que Dieu porte à chacune de ses créatures et qui nous unit aussi, avec une tendre affection, à frère soleil, à sœur lune, à sœur rivière et à mère terre ». Laudato Si - §89

    Retrouver une relation d’amitié avec notre planète « sœur notre mère la Terre » par la prière, mais aussi avec notre propre terre, avec notre corps : Danser, chanter, prier avec le corps. « Ne crains ni les notables, ni les puissants, mais sois sage et toujours beau dans tes actes. Connais la mesure, connais le terme, apprends à les connaître. Et prie lorsque tu restes en solitude. Aime te prosterner et baiser la terre. Baise la terre sans repos, aime-la d’un amour insatiable, aime tout le monde, aime tout, recherche cette exaltation et cette ivresse. Mouille la terre des larmes de ta joie et aime ces larmes que tu verses. Ne rougis pas de cette ivresse, chéris-la, car c’est un don de Dieu…» (579). Les Frères Karamazov de Dostoïevski.   

    Renouer avec nos émotions. Oser pleurer, oser la compassion et l’empathie avec ceux qui souffrent comme nous y exhorte le pape. « L’objectif n’est pas de recueillir des informa­tions ni de satisfaire notre curiosité, mais de prendre une douloureuse conscience, d’oser transformer en souffrance personnelle ce qui se passe dans le monde, et ainsi de reconnaître la contribution que chacun peut apporter ». Laudato Si - § 19.

    Oser demander pardon pour pouvoir sortir de la culpabilité qui nous anesthésie, retrouver notre dignité et pouvoir agir de façon positive et durable en faveur du vivant. « Tout ressemble à l’océan, où tout s’écoule et communique ; on touche, à une place et cela se répercute à l’autre bout du monde. Admettons que ce soit folie de demander pardon aux oiseaux, mais les oiseaux, et l’enfant et chaque animal qui nous entoure se sentirait plus à l’aise si vous-même étiez plus digne que vous ne l’êtes maintenant. » Les Frères Karamazov de Dostoïevski.

        Oser la relation intime avec le vivant
Je lance une « invitation officielle » à suivre les pas de François dans sa relation charnelle et spirituelle avec la nature, le cosmos, les éléments et les animaux. Je pense qu’il avait non seulement tout compris de l’écologie intégrale, mais le vivait profondément.

      Aller vivre au contact de la nature. Se retirer seul dans une grotte comme François ou dans la nature (la nature sauvage si possible, pas seulement le « Jardin des plantes »). Dormir une nuit seul en forêt. Grimper aux arbres et y accrocher un hamac pour la nuit sous les étoiles et écouter et parler avec la chouette la nuit. Aller prier régulièrement dans la nature (cf. Les sœurs de Fausse-Repose ou les sœurs de Taulignan pour la fête de la Création). Mettre les mains dans la terre, planter des jardins potagers dans vos monastères, faire pousser tout ce que vous pouvez sur le moindre centimètre carré. Accueillir et protéger les abeilles en posant des ruches etc.
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     Aller parler aux bêtes  
Rencontrer les animaux proches ou loin de nous, les oiseaux de nos jardins, les souris de nos greniers (une souris est passée dans la salle durant toute la conférence, personne ne l’a remarquée), la coccinelle ou le vers de terre…. Chercher la rencontre pacifique avec les animaux sauvages, dans la forêt, dans la montagne ! « Jésus vivait avec les bêtes sauvages et les anges le servaient » Marc. 1-13. cf. Mon expérience de vivre seule en forêt, à la rencontre des loups, à la rencontre de Dieu, à la rencontre de moi-même. « Je l’appelle… il me répond en hurlant ».
Aparté sur les oiseaux. On ne veut pas réduire François aux petits oiseaux, mais à force de se défier de ce qui pourrait être pris de l’extérieur comme une réduction sentimentalo-naturaliste, on en est venu à totalement rejeter les oiseaux de François, et le loup, et toutes les créatures de la nature qu’il aimait tant, qui l’aimaient tant. C’est une erreur ! Cela fait aussi partie de François. Cf. Histoire des oiseaux de saint Damiano durant la canicule. Je demande aux franciscains de l’église s’il était possible de déposer une petite vasque remplie d’eau au milieu de tout ce minéral brulant (il fait au moins 40° dans la cour) pour les oiseaux. La première réponse est : « il n’y a pas que les oiseaux qui comptent ! ». De la même façon,  cf. Santa-Maria de Angeli, énervement des franciscains face à l’affluence des personnes qui viennent voir les colombes qui ont niché dans les mains de la statue de François. Non, il n’y a pas que les oiseaux qui comptent, mais oublier les oiseaux, les poissons, la cigale, le loup, les agneaux… c’est aussi oublier Dieu. Certains de dire que c’était seulement dans son vieil âge, qu’il s’intéressait aux animaux. Un, ce n’est pas vrai, et deux, c’est une injure et un contresens,  parce que c’est le cheminement de toute une vie qui se concrétise dans cet amour infini de chaque créature, des plus pauvres des plus pauvres, du plus petit , des sans paroles ….et qui s’exprime avec ferveur et vérité, dans le Cantique des Créatures à l’aune de la mort, alors même qu’il est maltraité par les rats. « L’homme de Dieu débordait d’esprit de charité, ayant les entrailles pleines de pitié non seulement pour les hommes, mais aussi pour  toutes les autres créatures. » (La vie retrouvée de François d’Assise. Jacques Delarun. P.85.)

Exclure l’amitié avec les animaux est un contresens. Ceux-ci sont un appel silencieux à la miséricorde et nous en indiquent le chemin. Cette question est d’une grande actualité. Leur sacrifice perpétuel silencieux est un cri si puissant qu’il en devient inaudible. « À cause de nous, des milliers d’espèces ne rendront plus gloire à Dieu par leur existence et ne pourront plus nous communiquer leur propre message. Nous n’en avons pas le droit. Laudato Si’ - §33 . Notre responsabilité chrétienne est en jeu. Il n’y aura pas de salut de l’homme sans le salut du vers de terre ! « Il (François) retirait même de la route le vers de terre pour qu’il ne soit pas écrasés sous les pas des passants, ayant de la compassion pour eux, car il avait lu cette phrase au sujet du Sauveur : « Moi, je suis un vers et non un homme. » « (La vie retrouvée de François d’Assise. Jacques Delarun, p 86). Nous n’avons pas le droit de continuer ainsi. C’est un blasphème permanent !
   
      Se réconcilier avec les animaux au lieu de les manger.
Comme François, refaire amitié avec les animaux est une urgence. Cela signifie concrètement pour nous de ne plus nous rendre complice de ce qui se passe dans les abattoirs en consommant de la viande industrielle. (Plus de 90% de la viande consommée en France est issue de l’élevage industriel. En plus de l’aspect éthique, les conséquences de cette forme d’élevage sont désastreuses pour le climat, la terre, les humains et tout le vivant !). Il est étonnant de trouver des passages où François lui-même rejette la viande « Marchand par le monde en prêchant l’évangile du Royaume de Dieu, il mangeait peu de viandes dans les maisons des séculiers, s’ils en servaient en raison de l’observance de l’Evangile, déposant discrètement les restes ailleurs pour qu’on ne note pas la différence. » (La vie retrouvée de François d’Assise. Jacques Delarun, p. 64). Dans la suite du texte on lit que, après avoir mangé du poulet, il demande à un frère de lui  passer une corde au coup et de le trainer dans Assise en criant : «  Voyez, voici le glouton qui s’est empiffré en cachette de viande de poule ! ». C’est tout à fait incroyable d’imaginer cela aujourd’hui, mais cela interpellerait certainement nos consciences. Non seulement François rejette la viande, mais il sauve les animaux de la mort quand il le peut, qu’il s’agisse des poissons,  Idem p70 « Il était conduit par le même sentiment de piété à l’égard de poissons : ceux  qui avaient été pris vivants, il les rejetait à l’eau, leur prescrivant de prendre garde à eux pour ne pas se faire reprendre » (suit un passage sur le lac de Rieti où un pécheur lui offre une tanche. Il le remercie, bénit le poisson et le rejette à l’eau), ou des agneaux p.85 :  « De quelle affection penses-tu qu’il chérissait les petites Brebis ou les agnelets, en raison de la grâce d’une nature plus simple ou de la ressemblance au Seigneur Jésus qu’ils représentent dans les Saintes Ecritures ? Fréquemment en effet, il les délivra des mains de ceux qui voulaient les tuer et, ayant acquitté le prix pour qu’ils ne soient pas immolés, il les rendait  à la vie». Cf. Mon histoire quand j’ai sauvé, en le rachetant, une brebis qui allait partir dans le camion pour l’abattoir. C’est en partie le projet de l’association AnimaTerra, de créer un sanctuaire pour accueillir humains et animaux pour vivre en relation de paix ensemble.

      Réparer la rupture
Il est plus qu’urgent d’opérer la réconciliation, de cheminer de la séparation à la communion, de réparer la rupture. Parlant de Saint François, le Pape nous dit : « Ces récits suggèrent que l’existence humaine repose sur trois relations fondamentales intime­ment liées : la relation avec Dieu, avec le pro­chain, et avec la terre. Selon la Bible, les trois re­lations vitales ont été rompues, non seulement à l’extérieur, mais aussi à l’intérieur de nous. Cette rupture est le péché. … Pour cette raison, il est significatif que l’harmonie que vivait saint François d’Assise avec toutes les créatures ait été interprétée comme une guéri­son de cette rupture. Saint Bonaventure disait que par la réconciliation universelle avec toutes les créatures, d’une certaine manière, François retournait à l’état d’innocence. » Laudato Si’ §- 66.
Il nous faut retrouver notre virginité, notre innocence, notre spontanéité d’enfance dans la relation avec Dieu et avec les créatures. Il nous faut guérir la blessure de la séparation : la nature, les animaux, les étoiles, la  lune, le vers de terre …. Tout ce qui est l’expression visible et invisible de l’amour de Dieu nous aide sur ce chemin de guérison.
« Aimez toute la création dans son ensemble et dans ses éléments, chaque feuille, chaque rayon, les animaux, les plantes. En aimant chaque chose, vous comprendrez le mystère divin dans les choses. L’ayant une fois compris, vous le connaitrez toujours d’avantage, chaque jour. Et vous finirez par aimer le monde entier d’un amour universel ».
 Les Frères Karamazov de Dostoïevski

Annexes 
Mon engagement, en quelques mots, découle de la compréhension du lien entre écologie et spiritualité : Co-fondation du Réseau des Ecosites sacrés qui vise à rassembler des lieux spirituels engagés en écologie, du mouvement œcuménique « Chrétiens Unis pour la Terre », qui vise à sensibiliser les chrétiens à l’écologie, coordinatrice d’un ouvrage sur ces questions « Ecologie et spiritualité : la rencontre », éco-journaliste sur ces questions et rédactrice en chef de la revue Présence (avec le n°3 consacré à une « Approche spirituelle de l’écologie » et n°4 o « Tisser la fraternité universelle » , aujourd’hui, fondatrice de l’association AnimaTerra (animaterra56@gmail.com, site en cours de réalisation).

merci!

5 commentaires:

  1. Bonne fête à tous les François!

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  2. Un grand merci pour cet article percutant et source d'inspiration pour le Groupe d'Action en Écologie Intégrale Notre- Dame- de-Foy que je préside. SVP me dire comment se procurer le troisième numéro de la revue Présence. Nous aimerions en faire l'étude. En retour , il me fera plaisir de vous transmettre le document fondateur qui nous décrit et présente nos axes d,action.
    Merci à l'avance
    Michel Paradis
    paradismi@videotron.ca

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  3. Super de voir que cet article fait son petit bout de chemin et dépasse les frontières d'une plume pour la terre. Ce matin, Dominique Lang l'a repris sur son propre blog Eglises & Ecologies. Vive les réseaux sociaux !!!

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  4. Merci de cette percutante invitation ! remarquable article ou conférence qui disent si bien les choses !

    frère Marie-Benoît c.s.j.
    Académie pour une Ecologie Intégrale
    www.academie-ecologie-integrale.org

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  5. Merci de cette percutante invitation ! remarquable article ou conférence qui disent si bien les choses !

    frère Marie-Benoît c.s.j.
    Académie pour une Ecologie Intégrale
    www.academie-ecologie-integrale.org

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